Un grand blanc parmi les surfeursUn grand requin blanc de « cinq ou six mètres » selon les témoins directs, s’est invité hier matin aux manches qualificatives de la Melanesian Cup qui se déroulaient à Ouano. Le seigneur des mers est reparti aussi tranquillement qu’il est venu, à un train de sénateur. C’est la troisième observation de grand blanc dans nos eaux en trois semaines. Temps magnifique, vagues d’un mètre à un mètre vingt, eau translucide. Hier matin, à Ouano (La Foa), sur la passe d’Uaraï, les conditions météo étaient parfaites. C’est là que se déroulaient les manches qualificatives de la Melanesian Cup, qui doit se tenir dans une dizaine de jours. Après une petite heure de compétition et alors qu’une seconde série d’ondines (filles) venait de démarrer, un grand requin blanc est venu se promener sous les bateaux des juges, placés à gauche de la vague. « On était avec nos tablettes à la main, et puis tout d’un coup, quelqu’un a crié : « c’est quoi ça ? », en pointant une énorme masse sombre qui devait se trouver à trois ou quatre mètres de la surface, raconte Dominique, l’un des juges. « On est tous resté scotché et hypnotisé pendant quelques secondes avant de réagir ». Premier réflexe : sortir de l’eau deux jeunes qui étaient près des bateaux, alors même que le requin venait de leur passer assez tranquillement dessous. Deuxième préoccupation immédiate : prévenir les compétiteurs, situés à une centaine de mètres des bateaux. « On a pris le mégaphone pour leur crier de se regrouper en bordure de récif, à l’endroit du spot où il y a le moins d’eau », continue Dominique.
Troisième acte : décrocher des mouillages et démarrer les bateaux. « Le bruit des moteurs n’a pas vraiment eu l’air de l’impressionner. Le requin a eu le temps d’aller et venir, en suivant les planches accrochées à l’arrière d’un bateau », poursuit Dominique. Les témoins de la scène ont vu l’aileron - « trente ou quarante centimètres » - affleurer à la surface de l’eau. Une fois la dizaine de surfeuses récupérées à bord des bateaux, les témoins n’ont pas revu le grand squale. « C’était un truc énorme. Je me demande si quatre bras d’homme auraient pu en faire le tour. En même temps, il se déplaçait à une allure très tranquille. Il était vraiment placide. On le voyait à peine onduler. »Une fois à terre, après un quart d’heure de bateau, les organisateurs ont bien évidemment décidé d’arrêter la compétition. Assez d’émotions fortes pour la journée. Surtout pour Amaury, le fils de Dominique. Le 6 mars 2009, sa route avait déjà croisé celle d’un grand blanc. C’est sous ses yeux que son pote Kevin, avec lequel il surfait à Secret, un spot de Bourail, avait perdu la vie après la seule attaque mortelle de requin recensée sur un surfeur en Nouvelle-Calédonie. « D’une certaine manière, il a pu partager sa frayeur avec d’autres », termine son papa. Cette fois, tout s’est bien terminé.
Trois requins blancs vus en trois semaines
Plus le lagon est fréquenté, plus les observations de requin ont des chances de se multiplier. Hors de cette lapalissade régulièrement rappelée par les scientifiques, la présence du seigneur des mers dans nos eaux semble de plus en plus habituelle. Pour preuve : en trois semaines, c’est la troisième fois qu’un grand blanc est observé à des endroits très différents. Le week-end du 15 août, un pilote d’hélicoptère survole le lagon dans le secteur de l’îlot N’Go, au sud-est de l’île Ouen. C’est là qu’il repère un grand blanc, dont la taille était, selon ses dires, « à peu près la moitié de celle de l’hélicoptère, qui mesure onze mètres ». Le week-end suivant, c’est un autre grand requin blanc qui est photographié dans le Sud, dans le secteur de la passe de Mato. « D’après les photos, il s’agirait d’une femelle, relativement mince, qui venait peut-être de mettre bas, à la couleur très claire », indique Philippe Tirard, un spécialiste de l’IRD. L’auteur de ces photos formellement datées ne s’est pas déclaré.Son témoignage pourrait peut-être permettre d’éclairer les scientifiques qui s’intéressent à la question. La troisième et dernière observation en date remonte donc à ce week-end. Selon Philippe Tirard, un individu d’une telle taille (cinq à six mètres) peut facilement atteindre la tonne. Statistiquement parlant, la présence des grands blancs dans les eaux calédoniennes est plus forte au mois de septembre. Ces grands squales, situés au sommet de la chaîne alimentaire, vivant habituellement dans des eaux froides et tempérées, sont connus pour suivre le parcours des baleines.